Stupeur et tremblements chez les Weill ! C’est une histoire amusante que je vais vous raconter : celle de la découverte du changement de nom de ma famille, de Raphaël à Weill.
Sur les pas de Borach
Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire à de nombreuses reprises, lorsque j’ai démarré mon projet, je me suis appuyée sur deux « piliers » : mes arbres généalogiques et le dossier d’archives « Travail-Famille-Patrie ».
Ces deux ressources étaient en fait complémentaires, puisque les éléments généalogiques du dossier ont servi à la composition des arbres.
En farfouillant, j’avais donc pu retrouver une multitude de documents, brouillons et notes. Ceux-ci avaient permis de remonter d’abord jusqu’à Léon Weil (l’arrière-grand-père de mon arrière-grand-père, pour ceux qui arrivent à suivre !), puis jusqu’à son père, un certain Borach Weyl.
Ce dernier aurait épousé une jeune femme du nom de Guttel. Ils auraient vécu dans le bourg alsacien de Marmoutier, où se trouvait à l’époque une importante communauté juive.
Leurs noms yiddish et leur vie au temps de la Révolution, avaient un côté extrêmement romanesque qui m’a tout de suite embarquée.
Aussi, j’ai commencé à imaginer à quoi pouvait ressembler leur quotidien, en ces lieux-ci, en ces temps-là. Le travail réalisé par le site du Judaïsme d’Alsace-Lorraine m’a beaucoup aidée pour cela.
Jeu de piste
Pourtant, lorsque j’ai commencé à faire mes propres recherches, je me suis aperçue que quelque chose clochait dans les dates. On indiquait que Léon, fils de Borach, figurait dans le recensement de 1784. Or Léon était né en 1790 !
J’ai alors démarré mon enquête pour essayer de lever ce doute. Et celui-ci était légitime ! A force de recherches, j’ai retrouvé l’acte de mariage de Léon (que je vous montrais la semaine dernière). Celui-ci mentionnait comme père un monsieur Samuel de Saverne, et non un monsieur Borach de Marmoutier !
Première surprise pour moi : j’avais non seulement suivi une fausse piste, et j’en étais même venue à m’attacher à un personnage qui n’avait en fait aucun lien de parenté.
Cette erreur avait probablement été commise durant la Guerre, alors que l’accès aux archives était des plus compliqués.
Alors, pour avoir confirmation de cette découverte, j’ai consulté LE sésame de la généalogie juive : le registre des prises de nom de 1808.
Le décret de 1808
A l’époque napoléonienne, les Juifs ne possédaient pas de nom de famille. L’usage voulait qu’une personne porte le prénom de son père à la suite de son propre prénom.
Cette situation entraînait, au niveau administratif, un certain nombre de difficultés, que l’Empereur Napoléon décida de faire cesser.
Le 20 juillet 1808, il signa un décret impérial, dit « décret de Bayonne », obligeant tous les Juifs de l’Empire à choisir un prénom et un nom patronymique, fixé pour les prochaines générations.
Dès l’automne, des registres furent alors ouverts dans toutes les mairies. Les Juifs disposaient de trois mois pour se présenter et choisir de conserver leur ancien nom ou d’en adopter un nouveau.
En consultant le registre de la commune de Saverne, j’ai découvert, à ma grande stupéfaction, que mon ancêtre Léon Weil s’appelait en fait Loeb Raphael. Son père, qui avait effectué les démarches pour toute la famille, s’appelait donc bien Samuel et non Borach, et était né Raphael, puis devenu Weil !
Je crois que je n’ai pas été la seule tourneboulée par cette nouvelle. Mon grand-père, l’ayant apprise, en a été fort contrarié. Il faut dire que le nom Weill est profondément ancré dans notre identité. Il s’agissait en effet du nom de l’entreprise familiale pendant quatre générations !
De réponses en questions
Mais qu’a-t-il bien pu se passer pour que mon ancêtre choisisse de passer d’un nom juif à un autre nom juif ? C’est la question que mon grand-père m’a posée.
Une partie de la réponse se trouve dans le décret lui-même, à l’article 3 : « Ne seront point admis comme nom de famille, aucun nom tiré de l’Ancien-Testament, ni aucun nom de ville ».
Bien d’autres questions demeurent, et je suis en train d’essayer d’y répondre en ce moment-même, étant partie à la recherche de toutes les traces possibles qu’aurait pu laisser ce fameux Samuel.
Pour ceux qui me suivent sur Facebook, vous avez sûrement vu mes appels, passés auprès des spécialistes de la généalogie. Sachez que les choses ont avancé depuis ! Des pistes ont été trouvées, et finalement, elles pourraient bien nous ramener près de Marmoutier !
Quelle enquête 🧐 !
❤️
Waouh !
Quel travail extraordinaire.
Toutes mes félicitations, tu es très douée.
Bravo !
Merci énormément ! Ton commentaire me touche beaucoup. A très vite !
Merci pour ce partage qui est riche en histoire.
Petite information, le nom WEIL et toutes les variations autour, n’est pas d’origine juive et bien au contraire était plutôt un vieux nom de famille alsacien… WEIL désignant vieil allemand, le Land, le pays.
Donc beaucoup de juifs qui s’appelaient LEVY ou LEWI… ont choisi WEIL pour “s’intégrer” (ou plutôt échapper à la persécution), cela correspondait à l’inversion des lettres.
Cette démarche ayant eu un tel succès, que beaucoup de juifs se sont appelés WEIL, WEILL et de nos jours beaucoup sont persuadés que WEIL est d’origine juive.
Au plaisir d’échanger avec vous.
Salutions.
Merci pour cet éclairage sur les origines de notre nom ! Peut-être une idée pour un futur article…
Il y a plusieurs hypothèses concernant le nom Weill (avec ses différentes orthographes). Celle que vous donnez en est une. Weil en allemand signifie un hameau je crois. Il y a aussi la ville de Weil der Stadt. Il y a egalement un rabbin Allemand au moyen-âge qui portait ce nom.
Concernant le changement de nom : “Léon Weil s’appelait en fait Loeb Raphael.”
Ce n’est probablement pas un changement de nom. Avant 1808, les noms n’étaient pas fixes. Lorsque ton ancêtre montait a la Torah, il utilisait le nom de son père comme il est de coutume : Loeb ben Raphael. Mais lorsqu’il a s’agit de prendre un nom définitif, il a probablement utilisé son prénom (la norme est depuis fort longtemps d’avoir 2 prénoms, l’un juif et l’autre correspondant au prénom usuel dans le pays de résidence.) Un exemple : Juda devient en lorraine Lion (Le lion étant l’emblème de la tribun de Juda). Plein d’autres exemples existent. Quand au nom Weill, il peut fort bien avoir été porté par son père et son grand père; par exemple en l’honneur d’un ancêtre célèbre. Un exemple la encore M Le fameux Joselman de Rosheim se faisait aussi appeler Louans en souvenir d’un ancêtre qui habitait ce petit village près de Tours avant l’expulsion des juifs 200 ans plus tôt.
Des plus intéressant ! Félicitations pour ce travail de fourmi .
Je m’appelle toujours RAPHAEL , originaire de Phalsbourg , antérieurement Mittelbronn .
Connaissez-vous les origines de votre ancêtre RAPHAEL ?
Certains indices donnent à penser que l’origine des RAPHAEL est portugaise via le sud-ouest de la France , la Hollande
puis le nord et ensuite le sud de l’Allemagne où certains auraient pris le nom de FOHLEN , qui subsiste toujours ?
Cordialement
Bonjour, je ne connais pas les origines des Raphael car je n’ai pas encore réussi à remonter au-delà du fameux Moyse évoqué dans l’article… Merci pour cet éclairage qui ouvre de nouvelles pistes de réflexion.
Le nom Raphael est composé de deux racines hébraiques
– Refoua (guérison)
– El (nom de Dieu)
A l’origine il peut faire référence au métier pratiqué dans la famille de médecin car au Moyen Age les métiers se transmettaient de père en fils. Beaucoup de noms patronymiques dérivent des métiers pratiqués.
En hébreu le B et le V sont similaires la prononciation dépend de la place dans le mot et de la voyelle associé. Lev c’est le coeur mais on trouve aussi bien sur le nom caché de Levy. Pour les descendants de Levy et Cohen il était crucial de conserver la transmission de l’origine sacerdotale pour le jour où le Temple serait reconstruit et ou le service du Temple dépendrait de la connaissance du service divin et de ceux habilités à effectuer ce service (descendants de Levy et pour les Cohanim d’Aaron. D’ailleurs il est intéressant de savoir que le propre du Levy et du Cohen (tribu de Levy) est de ne pas avoir de terre et d’être entièrement dédié au service divin. Levy signifiant Mon Coeur c’est à dire pour Dieu sa présence réside dans le coeur de ceux qui le servent.
On trouve en psychogénéalogie dans les familles française cette similitude dans la récurrence de prénoms en Louis (autre déformation de Levy). Cette tradition de déguisement se trouve aussi dans la pratique de lecture de la Haftara lecture qui remplaça à l’époque de l’occupation grecque en Israel la lecture de la Torah interdite par les occupants. Bravo pour cette recherche. Le judaisme alsacien est d’autant plus riche qu’il est intimement lié aux grandes écoles talmudiques de Worms et de Mayence. Il conserve une tradition unique dans le monde ashkenaze. Hag Souccot sameah !